samedi 14 septembre 2013

RUE DES CITES

Il y a un moment déjà que je pense à écrire sur la cité parce que j’ai une ribambelle de choses à dire. Je l’ai fait pendant un an sur paris, pourquoi ne pas m’être intéressée plus tôt à sa banlieue ? De peur d’être trop subjective j’avais mis cette idée de côté mais tout bien réfléchi je pense que j’ai suffisamment de hauteur pour pouvoir le faire. 
Contrairement à ce que la majorité des Français croient, la vie à la cité n’est pas rythmée par des coups de kalachnikov, la tess comme on disait, est un ghetto rose mais attention pas au sens propre ; ce n’est pas non plus le Bronx ou Harlem, mais en dépit de tous les problèmes qu’il peut y avoir on s’y sent bien, tout le monde se connait des plus petits aux plus grands, tout le monde se salue et se respecte.  La banlieue ce n’est pas que de la violence, la banlieue ce n’est pas que des insultes qui fusent à tout bout de champs, la banlieue? Je vais vous dire comment moi je la conçois... 


Dans ma cité il y a des mecs qui tiennent les murs, des mecs qui fument, des mecs qui draguent les filles qui ne sont pas du quartier, des mecs qui friment en moto les beaux jours, des mecs musclés sur qui de nombreuses filles bavent en les voyant et s’imaginant à leur bras, des mecs plutôt doués pour les tags ou le rap, des mecs qui font un tas d’activités plus ou moins légales, des mecs qui s’habillent en noir de la tête aux pieds, des mecs qui tiennent à leur casquette autant qu’à leur paquet de cigarettes, des mecs qui s’accrochent à leur sacoche et à son contenu, des mecs qui nous demandent où on va et avec qui dès lors qu’on sort habillées différemment, des mecs qui nous disent de ne pas rentrer trop tard, des petits mecs qui veulent prendre la relève des plus grands en suivant leur passé de délinquants, des mecs qui n’ont pas encore compris que la rue détruit, des mecs qu’on ne voit plus parce qu’ils sont en prison, des petits frères qui veulent faire comme leur grand frère, des petits qui tournent mal, des petits qui à force de fréquenter la rue ne connaissent plus que ça et ne peuvent plus s’en passer, des petits merdeux qui arrachent des sacs à la sortie de la gare, qui contribuent ainsi à la propagation d’une image plus que dépréciative de la banlieue, des mecs qui croient que faire de la prison fera d’eux des bonhommes, des mecs qui croient que la prison c’est la case où passer pour prouver qu’ils sont devenus grands, des mecs qui ne font rien pour s’en sortir et qui attendent naïvement qu’un employeur vienne les chercher en bas de leur bâtiment, des mecs qui refusent maintes et maintes fois des emplois sans raison valable, des mecs accro à toute sorte de choses, des mecs qui ne croient plus au système scolaire, des mecs qui comptent sur le beau système de solidarité français pour subvenir à leurs besoins, des mecs qui pointent au pôle emploi, des mecs sans diplômes certains n’ont même pas le bac, des mecs qui trainent toute la journée stupidement à côté d’un bar comme s’ils  étaient dépendants à l’alcool et comme s’ils étaient SDF alors qu’ils ont une famille et un foyer plus que chaleureux, des mecs qui sombrent peu à peu dans la drogue et son engrenage, des mecs qui débutent comme simple guetteur mais qui finissent par en consommer et deviennent dealers, des mecs qui pourtant ont l’air d’être sobres une fois rentrés chez eux, des mecs qui sont déscolarisés alors qu’ils n’ont même pas atteint l’âge pour, des mecs qui veulent à tout prix se faire de l’argent, des mecs qui font des choses illégales croyant qu’ils vont se faire un max d’argent, des mecs qui se croient à l’abri de la justice, des mecs qui insultent les forces de l’ordre dès lors qu’elles passent dans la cité, des mecs qui commettent des délits qui entraînent des perquisitions qui réveillent toute la famille à des heures improbables.


Ces mêmes mecs ont brisé le cœur de leur mère, celle qui pour ils se disaient prêts à tuer s’il le fallait, celle qu’ils considèrent comme leur reine, ces reines sans couronnes, elles souffrent atrocement mais restent fortes pour les petits frères et sœurs qui sont aussi là, elles se démènent pour eux, pleurent chaque soir en silence, demandez-leur comment elles vont ce sera toujours « Hamdoullah tout va bien » alors qu’en réalité leur cœur crie dans un mutisme assourdissant leur douleur, ces mères ne peuvent dire que tout va mal, ces mères tu ne les vois pas dans confessions intimes, ces mères ont honte de ce que sont devenus leur fils et mentent prétextant un voyage entre amis ou un déplacement professionnel lorsqu’on leur demande où se trouve le plus grand, alors qu’en réalité il est à Fleury, Meaux, Fresnes… Elles ont le cœur en morceaux lorsqu’elles pensent à tous les sacrifices qu’elles ont du faire, ont davantage mal parce qu’elles se disent qu’elles ont fait tout ça en vain mais gardent espoir quant à leurs autres enfants. Des mères fortes, des mères que rien n’arrête pas même la maladie, ni même les galères de transports pour aller faire les courses, leur tristesse et leur chagrin elles le gardent au fond de leur cœur en si piteux état espérant que demain tout ira mieux.


Les petites sœurs dans tout ça ? Elles se retrouvent sans repères parce que leur grand frère est en prison depuis bien trop longtemps, les réunions de famille ne se font plus dans le salon mais au parloir en 30minutes chrono, une affreuse sonnerie pour y mettre fin, les samedis matin lorsqu’ils ne sont pas occupés par des obligations scolaires, elles se lèvent tôt pour ne pas faire un parloir fantôme à leur grand frère qu’elles aiment tant mais à qui elles en veulent terriblement parce qu’il fait souffrir consciemment celle qui les a tous mis au monde, parler au grand frère ne se fait plus que par courrier. Elles grandissent et hélas le grand frère n’est pas là pour assister aux évènements marquants de leur vie tels l’obtention du baccalauréat ou du permis. Ces petites sœurs ont peur parce que le grand frère qui leur avait promis d’être toujours là pour les protéger quoiqu’il arrive ne l’est plus, elles ont peur et redoutent l’avenir, ce grand frère qu’on dit délinquant était parfois un vrai chaton à la maison avec ses cadets leur manque terriblement. Ces petites sœurs font de leur mieux pour s’en sortir et briller à l’école, ces petites sœurs ne veulent pas avoir le même parcours que leurs aînés  aussi paradoxal que cela puisse paraître  elles ne veulent en aucun cas décevoir leurs grands frères qui les ont abandonné à la Tess, ces grands frères qui sans conteste n’ont pas été à la hauteur. Ces petites sœurs sont des battantes et ne se laissent pas marcher sur les pieds, elles ont du caractère, elles ne veulent pas qu’on dise d’elles qu’elles ont mal tourné à l’exemple de beaucoup d’autres, elles ne veulent pas non plus avoir une sale réputation, ces petites sœurs osent parler de ce dont les médias ont peur et sont prêtes à défendre avec leurs griffes s’il le faut ces grands frères en prison, ou qui traînent en bas des bâtiments à longueur de journée sans aucun but précis, elles sont parfois en colère contre leur milieu social mais font de leur mieux pour faire bouger les choses, elles ont la rage de vaincre, ces petites sœurs sont des lionnes mais à la fois des êtres si vulnérables qui espèrent secrètement qu’un jour elles aussi elles rencontreront leur prince charmant, qui les protégera de tout, de rien, qui les fera se sentir exceptionnelles, elles croient en l’avenir, au progrès, au réveil de la banlieue française, à l’éducation, à la scolarisation... En fait, tout ce qu’elles veulent c’est rendre fier leur grand frère, leur père et leur mère et qu’on cesse enfin de regarder la banlieue comme une zone délétère où on risque chaque jour sa vie comme si l’on jouait à la roulette russe, comme si des bombes anti-personnelles étaient cachées à chaque coins de rues, devant chaque cité.

Ces mecs, on les considère un peu comme nos grands frères, ils nous mettent en garde contre ce qu’ils appellent la vie et ses ruses, certains de ces mecs ne sont peut-être pas des modèles à suivre mais on les estime tout de même. Ces mecs de cité souffrent eux aussi, ils souffrent des stéréotypes et de l’image abjecte qu’on donne d’eux à la télé, ils en ont plus qu’assez d’être assimilés à des fainéants, des couards, des pyromanes, des tagueurs à des jeunes qui ne veulent pas se bouger, qui n’ont aucune ambition, aucun avenir. Ces mecs souffrent également des discriminations à l’embauche parce qu’ils sont noirs, arabes, qu’ils viennent de cité et qu’ils ont peut-être un passé de délinquant, un casier judiciaire plus ou moins lourd, les employeurs prônent le droit à l’erreur, mais ne l’appliquent pas. Ces mecs souffrent des contrôles d’identités à répétition et injustifiés d’où le fait qu’ils pètent parfois les plombs, le plus ironique dans tout ça, c’est que ces mêmes agents de police les connaissent tous et pourraient vous dire où ils habitent, citer leur nom, prénom, nombre de frères et sœurs, ces mecs en ont plus qu’assez que les force de l’ordre les arrêtent à tout bout de champs prétextant un permis non en règle, un excès de vitesse… Les gens ont tendance à omettre le fait que ces mecs de cité ont aussi un cœur, qu’eux aussi pleurent, oui, tous les hommes pleurent, c’est juste que certains se cachent pour pleurer.

Mais il y a aussi et surtout des mecs qui nous considèrent nous les filles comme leurs petites sœurs, des mecs qui nous ont vu grandir, des mecs qui nous ont vu aller & venir de l’école chaque jour, des mecs qui nous incitent à continuer toujours plus loin nos études, des mecs qui nous mettent sans cesse en garde contre les autres mecs, des mecs qui nous répètent incessamment mais avec bienveillance de faire attention à nous, des mecs plein de contradictions puisqu’ils ne veulent pas que l’on sorte avec un « mec » de peur d’être abusée ou d’aller trop loin, mais qui pourtant changent de copine comme de numéro de portable, des mecs qui prenaient notre défense quand on se battait à la cité pour un rien. Vous savez, dans ma cité il y a aussi des mecs qui s’en sortent, des mecs qui ont un bon taf, des mecs qui font la fierté de leur famille et même de la cité, des mecs qui ont compris que lorsqu’on voulait quelque chose, le seul moyen de l’obtenir est de s’en donner les moyens et de travailler d’arrache-pied à sa réalisation, des mecs qui suent pour s’en sortir, des mecs qui essayent de remettre sur le droit chemin ceux qui se sont égarés en route, des mecs qui tentent de faire prendre conscience aux plus flemmards/traînards que la rue, c’est pas l’avenir, des mecs qui croient en un avenir meilleur, des mecs qui n’accusent pas la France de tous leurs maux et qui souhaitent que cette dernière en face de même. Des mecs qui ont des diplômes, des mecs qui savent s’exprimer convenablement et comme qui dirait en « bon français », des mecs qui savent manier la langue de Molière d'une façon très surprenante, des mecs qui ont réussi à faire bouger les choses, des mecs qui tentent par tous les moyens de redorer l’image de la banlieue, il y a aussi des mecs forts, des sportifs, des mecs qui aident les mères lorsqu’elles sortent du supermarché et qu’elles ont fait leurs courses pour le mois. 

Ces mecs de cités on les aime malgré tous les défauts qu’ils ont, malgré le fait qu'ils soient parfois trop protecteurs on les aime, ah ça oui, et on espère simplement qu’un jour ils se réveilleront et prendront conscience que le temps file et qu’ils en ont perdu suffisamment et qu’il est grand temps qu'ils se construisent un avenir dont eux même seraient bien plus que fiers. Ces mecs de cités aimeraient aussi qu’on arrête de montrer que les mauvais côtés de la banlieue à la télé, ils aimeraient qu’on arrête de tous les assimiler à des casseurs, des vaut riens, des profiteurs, des assistés. Ces mecs et ces filles de cités ne veulent qu’une chose, qu’on arrête enfin de tenir des propos fallacieux et incohérents sur la banlieue et ses cités, pour savoir ce qui s’y passe, venez simplement y faire un tour et vous verrez que nos cités sont pleines de talents cachés qui ne participent pas à la France à un incroyable talent, pleines de jeunes hommes et de jeunes femmes qui rêvent d’avoir autre chose que des tours comme horizon.